Horizon d'investissement et venture capital
Non mais en vrai sans dec ça prend combien de temps de gagner du fric ?
La notion de sortie de ses investisseurs est toujours abordée lors de l’investissement, souvent d’un point de vue très juridique, mais trop mal comprise ou plutôt trop abstraite pour les entrepreneurs. Normal, viser la croissance et la rentabilité d’une jeune société est déjà un challenge suffisamment complexe pour ne pas trop se charger l’esprit avec des hypothèses incertaines de sorties. Même si, ne nous leurrons pas, nos dirigeants espèrent bien toucher le pactol. Comme on dit parfois, en fait la sortie c’est qu’une question de chiffres (comprenez le nombre de 0 sur le chèque). Mais en réalité, beaucoup d’entrepreneurs ne verront qu’un 0 bien solitaire.
Car je pense qu’on se voile souvent la face sur les horizons d’investissement. Le jeu n’est rien d’autre qu’un triathlon qui enchaine 3 épreuves d’endurance : l’amorçage, la croissance et le développement. Chacun des entrepreneurs que nous accompagnons aura une vitesse différente, un dénivelé différent ET une distance différente à parcourir.
La distance, c’est notre horizon.
L’horizon d’investissement à quoi ça sert ?
A donner du temps à l’entrepreneur pour trouver son marché (amorçage) et prendre des positions dessus (croissance) pour devenir de plus en plus rentable (développement). Et malheureusement ce n’est pas un nombre d’années standard ou un montant levé qui fait passer les étapes …
A optimiser le couple multiple/TRI pour les souscripteurs. Oui cela vous est peut être inconnu pour certains mais il y a 2 mesures de performance financière des fonds qui peuvent se contredire : le multiple (le nombre de fois qu’on récupère notre mise) et le TRI (c’est un taux de rendement annuel, un peu comme un taux d’intérêt qui prend en compte le temps qu’il a fallu pour rendre l’argent). Plus l’horizon est court, plus le TRI va être bon, mais vous pourrez aussi faire un meilleur multiple sur un horizon plus long (mais le TRI sera peut-être moins bon). Vous voyez ?
Et l’horizon, tout le monde n’a pas le même …
L’entrepreneur a un horizon assez long, il veut idéalement franchir toutes les étapes de notre triathlon. Les fonds eux ont des horizons plus ou moins long et se concentrent souvent sur une étape clé de notre triathlon (l’amorçage, la croissance ou le développement).
Les entrepreneurs eux-mêmes selon leurs envies peuvent avoir des horizons différents dès le départ, voire changeant pendant l’aventure. Certains se voient porter l’aventure jusqu’au bout (mais n’en seront pas toujours capables), d’autres s’imaginent juste lancer l’activité et passer le relai pendant la phase de croissance.
Les fonds aussi peuvent avoir des horizons différents. Certains ont des contraintes très strictes de durée de vie (les fonds fiscaux), d’autres n‘en ont pas vraiment (les fonds evergreen) même si tous doivent bien à un moment ”faire tourner ou rendre l’argent”. Certains ont appris à avoir des horizons élevés, faute d’opportunités de sortie (les fonds d’amorçages), d’autres ont des comportements plus normés parce que les opportunités de sorties sont plus communes (les fonds growth).
Et tout cela s’entrelace autour d’une table de capi dans une féérie plus ou moins harmonieuse. D’où l’importance de surveiller, comme le lait sur le feu, les intérêts de chacun de ses actionnaires.
Est-ce que le temps coûte ou rapporte de l’argent ?
Autrement dit, est-ce que plus on attend et plus on perd ou plus on gagne ? J’ai vu nombre de sociétés avoir la chance d’être financées par des investisseurs en capacité de rester 15 ans au capital (pas sans heurts, pleurs et coups de gueules …) et qui ont été des succès incroyables. Il fallait perdre de l’argent pendant 15 ans pour en gagner beaucoup. Si les investisseurs avaient baissés les bras, le temps leur aurait coûté de l’argent. Mais j’ai vu d’autres sociétés dans lesquelles des investisseurs se sont acharnés à investir pendant des années pour tout perdre. Le temps leur a clairement coûté de l’argent.
C’est avant tout une question de conviction, c’est fondamental. Calibrer les bons montants sur la bonne durée avec la bonne équipe c’est le triumvirat de notre métier. Mais il n’y a pas de formule magique …
Quelle est la durée des fonds VC aujourd’hui ?
Il est assez standardisé, et c’est une connerie. Généralement vous avez des fonds de 8 ans qui investissent avec des horizons de sorties à 4 ou 5 ans. La plupart du temps ça ne suffit pas. Il faudrait tripler cet horizon pour être cohérent. Surtout pour l’amorçage évidemment. Mais la difficulté est de trouver des investisseurs qui peuvent bloquer leur souscription sur 15 ou 20 ans … (qui a dit les fonds de pension ? Oups je l’ai dit …).
Parce qu’au delà des contraintes purement financières, la réalité de l’entrepreneuriat est que construire un actif solide en partant de 0 c’est extrêmement long et difficile …
Il y a donc deux options : soient les fonds acceptent des horizons plus élevés, soient on trouve le moyen d’assurer des liquidités plus facilement au cours du développement d’une start-up.
Pas facile …
Et le sujet de l’exit d’ailleurs ?
Car oui, vous l’aurez compris, le sujet de l’horizon touche forcément le sujet de l’exit (le rachat de certains ou tous les actionnaires par un industriel, un autre fonds, les dirigeants ou les marchés financiers). C’est bien d’être en mesure de rester plus longtemps au capital des participations, mais encore faut il avoir l’espoir d’un acquéreur. Et en France nous sommes un peu faible sur le sujet. Est-ce parce que les acquéreurs sont trop frileux ou les actifs pas assez mature justement ? (pour info pas mature ça veut dire, en gros, de mauvaise qualité ou à un prix déconnecté, voire les deux).
Probablement un peu des deux …
Donc au final, quelles stratégies possibles ?
On voit de plus en plus de fonds evergreen ( c’est à dire sans horizon fixe) et je pense que c’est la bonne piste. Notre métier a surtout besoin de flexibilité et de réactivité pour s’adapter aux changements extrêmement rapides. Le soucis des fonds evergreen est 1) qu’ils doivent être performants au risque de fondre comme neige au soleil -les chiffres sont très opaques en VC mais peu de fonds gagnent de l’argent en réalité, surtout avec régularité dans le temps long- et 2) il est difficile d’organiser la liquidité (c’est à dire de rendre l’argent aux souscripteurs).
Mais la finance est un terrain fantastique pour la créativité … il y a tellement de choses à tenter !
VOUS AVEZ VU ?
Puisqu’on a parlé de performance financière des fonds, vous trouverez une bonne synthèse chez Maddyness.
Pour ceux qui veulent apprendre l’IA, un guide complet bien fourni !
Le panorama des start-up à impact 2025 est sorti si vous l’avez raté !
Pour ceux qui sont étaient de passage à Marseille ce week-end, n’oubliez pas le carnaval j’espère que vous n’avez pas oublié le carnaval🤡 (je sais, vous en avez déjà marre de voir des gens porter des masques toute la semaine, mais là ça sera c’était sympa !). ERRATUM : la newsletter devait partir semaine dernière …